La Secrétaire d’Etat américaine aux Affaires étrangères, Hillary Rodham Clinton à son arrivée le 10 août à Kinshasa,a accordé une interview exclusive à Radio Okapi, la Radio de l’ONU. Si elle s’insurge contre les violences faites aux femmes à l’Est de la RDC, elle souligne qu’il est impératif d’y résoudre les tensions politiques persistantes.
Comment, d’après vous, le problème des violences sexuelles peut être résolu dans la perspective de la situation militaire en cours qui fait croire à certaines ONG que la situation est en train de s’empirer?
Il ne fait aucun doute que le conflit en cours empire le problème. Malheureusement nous assistons vers la fin du 20eme siècle à une tendance horrible d’utiliser les violences sexuelles comme une arme de guerre pour intimider et démoraliser les populations et les forcer à fuir leurs maisons. Je pense que ceci exige des efforts concertés de la part du gouvernement congolais et des autres gouvernements de la région qui s’intéressent à la situation en RDC. Les ONG et la société civile devront également être associées à ces efforts visant à empêcher les militaires congolais de se livrer aux violences sexuelles.
Ensuite, il faudra décourager toute impunité, qu’elle que soit la forme. Il faudra également couper toute source de financement des milices et résoudre les tensions politiques sous-jacentes à l’est. A l’instar de plusieurs autres pays, il faudra avoir un arsenal juridique vigoureux contre les violences domestiques, notamment les viols criminels qui se pratiquent à travers les rues de Kinshasa ou dans des villes. Il faudra enfin des poursuites judiciaires sévères en application des lois, car ces actes sont inadmissibles et il n’y a pas d’excuses pour quiconque qui s’y livre ; c’est ce que j’attend voir appliquer.
Qu’est-ce que le Gouvernement des Etats-Unis peut faire concrètement pour aider à résoudre ce problème?
Eh bien nous essayons de faire plusieurs choses à la fois. Nous travaillons bien évidemment avec les Nations unies, et nous sommes les plus grands contributeurs de la Force de maintien de la paix à l’Est de la RDC ; d’autre part, il y a un rapport selon lequel les problèmes qui ont prévalu antérieurement en termes de violences sexuelles parmi les troupes des Nations unies ont été élagués. Nous sommes en train de travailler avec le gouvernement du Président Kabila et les militaires congolais pour les aider à s’imprégner des notions de droits de l’homme et du respect des droits de la femme, et naturellement nous sommes en train de fournir des services de soins de santé à ces femmes, victimes des violences sexuelles.
Et en termes de performance du Gouvernement congolais sur les droits de l’Homme. Comment évalueriez-vous cela ?
Elle a désespérément besoin d’être améliorée. Le gouvernement congolais, bien sûr, est sorti de plusieurs années de guerre et cela est un facteur très déstabilisant pour les sociétés ; et très souvent les droits de l’Homme sont considérés comme un luxe en temps de guerre, mais il n’y a plus d’excuses et on doit attendre davantage du gouvernement congolais, des Etats-Unis, des autres pays ainsi que des Nations unies. Il faut se tenir prêts à aider le gouvernement à engager des actions pour à la fois promouvoir les droits de l’Homme et punir les violateurs des droits de l’Homme et des droits des femmes. Mais il doit y avoir davantage d’actions et un engagement beaucoup plus grand de la part du gouvernement congolais.
Lorsque les gens regardent ce pays, ils voient le développement chinois, ils voient les routes en train de se construire ainsi que des hôpitaux. En termes pratiques et concrets, qu’est-ce que les Etats-Unis peuvent faire ici qui puisse être reconnu par les gens comme étant leur contribution ?
Eh bien, c’est intéressant parce que je suis au courant de l’engagement pris par la Chine et je pense que la construction des routes est un objectif de développement très important pour ce pays. Mais la bonne gouvernance l’est aussi, tout comme la protection des droits de l’Homme, ou l’édification d’un système judiciaire indépendant, une presse libre, des institutions démocratiques qui tiennent longtemps. Il est important de construire un marché libre, de lutter contre la corruption, de demander plus de transparence ; et les Etats-unis travaillent pour atteindre ces objectifs-là. Je suis consciente que parfois les gens voient la route plus qu’ils ne peuvent voir la protection des droits de l’Homme, mais vous pouvez être un pays doté de routes, qui prive toujours sa population des droits de l’Homme, un pays qui n’a toujours pas de développement économique, de sorte qu’il n’y a ni biens ni services qui circulent sur ces routes et qui aident effectivement les populations. Ainsi, je pense que cela doit être un effort global. Je crois qu’avec notre aide en matière de santé et d’éducation, les Etats-Unis sont en train de jouer un rôle très important, et nous devons déterminer ce que nous pouvons faire d’autre.
Qu’allez-vous dire au Président Kabila ?
Eh bien, je dirai pratiquement la même chose que ce que j’ai dit au Town Hall (à l’Hôtel de ville), à savoir que le Président Obama voudrait forger un nouveau chapitre entre le peuple congolais et le peuple américain ; que je suis ici pour explorer des voies par lesquelles nous pourrions travailler ensemble, mais je crois fermement qu’il doit y avoir une fin à l’impunité, une fin à la corruption, et davantage de transparence et d’obligation de rendre des comptes, et que les richesses minérales et autres de ce pays devraient être utilisées au profit du peuple congolais, pas pour un très petit groupe qui en a traditionnellement bénéficié, et pas seulement pour les entreprises ou les pays étrangers qui extraient les richesses pour les emporter sans en retour effectuer dans le pays un investissement proportionnel. Et nous pensons qu’il existe beaucoup de domaines où nous pourrions être utiles et nous allons en explorer la faisabilité.
Source: monuc.unmissions.org