Rideaux sur la Conférence des gouverneurs de province présidée à Kisangani par le chef de l’Etat. Entre autres recommandations prises, la réaffirmation de la mise sous éteignoir, pour un temps relativement long, de l’application de l’article 175 de la Constitution. En retour, les provinces sont assurées de bénéficier, cette fois, d’un ordre de paiement permanent auprès des succursales de la Banque centrale du Congo pour leurs dotations.
Finie la désillusion : les 40% des recettes nationales devant être alloués aux provinces sont pour plus tard. Jusqu’à nouvel ordre, c’est Kinshasa – donc le gouvernement central – qui garde la mainmise sur le compte du Trésor public national. C’est à lui seul qu’appartient le pouvoir de décision sur le partage de la cagnotte avec les provinces et les entités décentralisées.
La ville de Kisangani, dans la Province Orientale, a efficacement noyé l’ardeur des gouverneurs qui avaient, au nom de la Constitution et de leurs administrés, pris la tête de la croisade pour récupérer les 40% des recettes à caractère national générées localement.
A l’issue de la première Conférence des gouverneurs de province, présidée par le chef de l’Etat en personne à Kisangani, du 24 au 25 juin 2009, le compte rendu livré par le ministre de la Décentralisation et Aménagement du territoire, donne des indications dans le sens ci-dessus.
Il est dit notamment : «Après échanges sur les états des lieux des provinces, la Conférence des gouverneurs a formulé les avis et suggestions ci-dessous :… …l’institution d’un ordre de paiement permanent auprès des succursales de la Banque centrale du Congo pour les dotations au profit des provinces».
BATAILLE PERDUE ?
Ce n’est pas de la langue de bois. Il est donc clair que la bataille pour les «40% à retenir à la source» est perdue par les provinciaux. Du moins provisoirement, espérons-le. Les chefs des Exécutifs provinciaux se sont-ils dédits ? A y voir de près, ils se sont plutôt pliés par courtoisie, par respect de l’autorité. En tout cas pas par patriotisme.
Le commentaire de Simon Mbatshi Mbatshia, rapporté par Radio Okapi, est explicite à plus d’un titre. Pour le gouverneur du Bas-Congo, l’institution d’un ordre de paiement permanent est «un compromis trouvé entre le gouvernement central et les provinces … Il s’agit d’une approche de solidarité nationale par rapport à l’approche constitutionnelle de la retenue à la source». Réalisme. Pragmatisme. Voilà comment on peut expliquer le compromis de Kisangani. Et pourtant, dès le début, les gouverneurs fondaient la légalité de leur requête sur l’article 175 de la Constitution alinéa 2. Celui-ci stipule, en effet, que «la part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source».
On se rappelle qu’à peine la revendication formulée par les provinciaux, le gouvernement s’est illustré par des tergiversations quant à l’application de l’article 175. Une chance pour lui : les soutiens à sa volte-face sont venus, plus tard, non seulement des institutions financières internationales mais aussi des partenaires extérieurs.
MARCHANDAGE LABORIEUX
Somme toute, le marchandage autour des 40% a été laborieux. Des audiences ont été tenues en haut lieu et des séminaires organisés à cet effet. Sans pourtant venir à bout de la principale revendication de chefs des administrations provinciales. Le président de la République est même personnellement descendu dans l’arène. Sans grand effet.
Le compromis de Kisangani soulève quelques questions. Connaissant la mauvaise habitude des autorités congolaises d’annoncer «le provisoire» alors qu’en réalité elles lui confèrent le caractère «définitif», la première Conférence des gouverneurs pourrait-elle inaugurer le changement ?
Question subsidiaire : quels gages le gouvernement central a-t-il donnés pour rassurer ses interlocuteurs que, cette fois, il tiendra sa promesse ? La question est non sans intérêt. Et ce, dans la mesure où, de notoriété publique, il est connu que le gouvernement a des engagements financiers importants tant envers la nation qu’envers ses partenaires extérieurs.
Qui ignore, dans ce domaine, que sans capacité réelle de collecter toutes les ressources revenant à l’Etat sur l’ensemble du territoire, le gouvernement brille par le sacre de la prédation et de l’impunité ?
De toutes les manières, le scepticisme des gouverneurs de province ne demande qu’à être balayé. Il n’y a, pour ce faire, que la mise à leur disposition effective de l’ordre de paiement permanent qui puisse témoigner du sérieux du deal de Kisangani.
Source : lepotentiel.com